7 ans après une année de résidence artistique ayant abouti à la création d'un spectacle théâtral participatif avec les villageois, la compagnie montpelliéraine "Le Cri Dévot" était invitée par l’Amicale Laïque de Pérignat ce Samedi 18 Septembre 2021 pour dévoiler un tout autre projet.
*** "comme un retour à la maison" ***
c'est en Décembre 2013 qu'a eu lieu la première rencontre entre les pérignatois et Alexandre, Bastien, Camille, Emmanuelle et Jérémy, comédiens et metteur en scène de la compagnie "le Cri Dévot". Une première semaine de résidence des 5 artistes, dans le cadre d'un vaste projet de 4 résidences d'artistes lancé par le Grand Clermont sur l'ensemble du territoire en 2014.
Pérignat avait alors choisi d'accueillir "le cri dévot" dont le projet paraissait à la fois surprenant et atypique : recréer une pièce de leur répertoire intitulée « Ci-gît (Titre posthume) », inspiré d'un texte de Patrick Kermann "La Mastication des Morts". Cette pièce se trouvera alors déclinée sous une forme de théâtre de rue en faisant intervenir les habitants comme coéquipiers à la mise en scène ou comme comédiens. Les habitants seront également sollicités comme témoin-référent pour livrer des souvenirs, et permettre à la compagnie de créer une déambulation au cœur de la commune.
Les différentes sessions de résidence au cours de l'année avaient alors permis de préparer le spectacle final, tout en créant un lien fort entre les artistes et les pérignatois, tant par le travail de récolte de témoignages parfois émouvants ou les ateliers d'écriture et de création de décors, que par les soirées, veillées, et nombreux moments de riches échanges partagés.
Ce lien fort avait conduit la compagnie à revenir un an après, à poursuivre de nombreux échanges tout au long des années qui ont suivi, avec la promesse de revenir un jour à Pérignat.
La fin des restrictions liées à la crise sanitaire, et la création d'un nouveau projet par la compagnie, étaient l'occasion idéale pour se retrouver en cette rentrée. Et sitôt arrivés à Pérignat, les quelques pas dans les rues du village ont provoqué aux comédiens cette sensation de "retour à la maison".
*** Des "Instantanés" riches en émotions ***
Après avoir travaillé la notion de mémoire collective sous l'angle des souvenirs et de la mort il y a quelques années, la compagnie poursuit aujourd'hui ses explorations en s'intéressant plus particulièrement à la mémoire vive, celle de l'histoire récente, et à sa transmission intergénérationnelle.
Pour le spectacle présenté aux pérignatois ce samedi dans la salle des mariages, la compagnie s’est prêtée au jeu de l’auto-socio-biographie chère à l'écrivaine Annie Ernaux, en créant cinq monologues : « Les Instantanés ». Cinq parcours de vie, directement adaptés de ses romans ou écrits à sa manière toujours sur le fil, entre mémoire individuelle et collective.
Les deux premiers instantanés, "La Place" et "Une Femme", interprétés respectivement par Camille Daloz et Emmanuelle Betrand, sont deux monologues sur les vies respectives des parents d’Annie Ernaux. Deux récits pour saisir le lien qui les a unis durant toute une vie. Dans "La Place", l’autrice cherche à réparer l’amour séparé entre elle et son père, tandis que dans "Une femme", elle tente de retrouver les différents visages et la vie de sa mère. À l’aide de photographies, de citations, de faits marquants, de gestes et d’habitudes du quotidien, Annie Ernaux va dresser leurs portraits, tout en les replaçant à l’intérieur de leur époque.
Les trois autres instantanés sont issus d'un travail d'autobiographie par les 3 comédiens, Alexandre Cafarelli, Jeremy Cateland, et Bastien Molines, en nous plongeant dans leur adolescence. Dans un va-et-vient entre parole poétique et théâtre documentaire, chacun explore sa construction sociale, familiale et les particularités de son parcours. À travers un échange complice avec le spectateur, chacun recompose le puzzle de ses souvenirs en s'appuyant sur des extraits de journaux intimes, des photos issues d'albums de famille mais aussi autour de références propres à leur génération. Alors c'est quoi être un adolescent dans les années 90 ? Comment fait-on quand on préfère regarder Buffy plutôt que le foot ? Peut-on devenir autre chose qu'un ouvrier de Peugeot dans la banlieue de Montbéliard ? Comment déployer ses racines quand on vit sur un voilier ? Que pensent les autres de moi ? Et papa ? Cette trilogie est une traversée intime, émouvante et drôle inspirée de l'œuvre d'Annie Ernaux, toujours sur le fil entre mémoire individuelle et collective.
*** Un moment de partage ***
La succession des cinq monologues en une soirée était une première pour la compagnie, qui jusqu'à présent ne jouait que 1 à 3 instantanés par lieu de représentation. Le public pérignatois a été conquis et l'a largement fait savoir en applaudissant abondamment les 5 comédiens qui, à leur tour, n'ont pas manqué de féliciter les spectateurs pour leur attention tout au long du spectacle. La soirée avait été entrecoupée d'un apéritif offert par la commune, et s'est conclue autour d'un repas partagé. De quoi alimenter les souvenirs des comédiens tout comme des pérignatois, et de créer du lien entre les uns et les autres.
|